Christophe JERRETIE : “Il faut prendre des risques et froisser un peu si l’on veut créer l’avenir des territoires”
Christophe Jerretie : “Il faut prendre des risques et froisser un peu si l’on veut créer l’avenir des territoires”
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Le député MoDem (ex-LREM) de Corrèze revient sur le contenu du projet de loi “3DS” (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration et Simplification) adopté par le Sénat en juillet et que le gouvernement entend prochainement faire examiner par l’Assemblée nationale. “Un texte d’amélioration technique qui ne répond pas à la demande de proximité et de lisibilité exprimée par la population”, selon lui.
Le projet de loi “3DS” répond-il aux attentes ?
C’est loin d’être une grande révolution. La population n’y verra rien. C’est un texte d’élus. Comme dans la loi “Engagement et Proximité”, le projet de loi contient beaucoup de choses intéressantes, mais c’est un texte d’amélioration technique qui ne répond pas à la demande de proximité et de lisibilité exprimée par la population. Certes, dès le départ, le président de la République avait bien dit qu’il ne souhaitait pas de grande révolution. Il y avait pourtant mieux à faire.
Qu’aurait-il donc été nécessaire de faire ?
Il aurait très clairement fallu clarifier la répartition des compétences en renforçant le bloc communal et revenir sur les compétences partagées. Contrairement à ce que beaucoup pensent, la loi NOTRe (“portant nouvelle organisation territoriale de la République”) de 2015 a permis d’amorcer un mouvement en la matière. Mais aujourd’hui, les citoyens ne s’y retrouvent toujours pas avec la dispersion des compétences. Prenons l’exemple des routes. Avec les dispositions du texte, 6 acteurs pourront intervenir sur le sujet : les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les sociétés autoroutières et l’État. Le millefeuille territorial est aussi un sujet de taille. La persistance d’un bloc intermédiaire composé des départements et des régions doit notamment être interrogée. La vraie révolution, c’était celle-là, mais le contexte et, surtout, la frilosité de certains n’ont pas permis de faire bouger les lignes.
Avoir les mêmes échelles de décentralisation et de déconcentration est une mauvaise chose.
Comment expliquez-vous cette frilosité ?
On rejoint ici la problématique du rapport entre décentralisation et déconcentration, qui n’est toujours pas clarifié dans la tête des administrations centrales et des exécutifs. Avoir les mêmes échelles de décentralisation et de déconcentration est une mauvaise chose. Les gens ne savent plus aujourd’hui qui est préfet et qui est président de département. La décentralisation qualitative et efficace des années 1980-90 a laissé la place à quelque chose d’incompréhensible au cours des dernières années. Ensuite, les gouvernements écoutent toutes les associations d’élus qui, chacune, défendent leur pré carré.
Ces consultations sont pourtant nécessaires…
C’est très bien, mais à la fin, vous ne faites plus aucune réforme, puisqu’il faut décider et trancher. C’est pour cela que nous sommes dans cette situation aujourd’hui. Il faut donc prendre des risques et froisser un peu si l’on veut créer l’avenir des territoires. Emmanuel Macron avait la main pour le faire. Il n’a jamais été élu local et pouvait prendre des décisions en âme et conscience. Reste que certains ministres sont pro-quelque chose : prodépartement, procommunes, pro-intercommunalités… Cela pose toujours problème pour faire bouger les lignes…
Propos recueillis par Bastien Scordia
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